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Nous parlons souvent de l’incendie de 1908 comme d’un évènement incontournable dans la vie des Archives tant ses conséquences furent dramatiques. Ce furent en effet des milliers de documents et des pans entiers de l’histoire de notre département qui disparurent dans les flammes.

21 novembre 1908
« Ce matin vers 3h un violent incendie s’est déclaré dans les archives de la Préfecture. Le feu s’est propagé avec une rapidité foudroyante et a détruit une partie des documents qui se trouvaient dans les archives et la salle affectée au Conseil Général. Les dégâts sont importants et les causes du sinistre sont inconnues. »

Rapport quotidien du commissariat central de police, sous-préfecture

Le sinistre


Le feu s’est déclaré dans les locaux de la Préfecture. Plusieurs salles étaient réservées au service départemental des archives : bureaux, salles de stockages dont deux salles blindées, salle d’accueil du public. Le bâtiment entier fut la proie des flammes et l’eau utilisée par les pompiers pour éteindre le feu, s’infiltra partout et en particulier dans les plafonds des salles de stockage. De l’ensemble des locaux dévolus au service des archives ne subsistèrent que les deux salles blindées.
Quand les archives furent épargnées par les flammes, elles furent trempées par l’eau et au mieux immergées dans un bain de vapeur général dégagé par l’eau « lancée sur les combles incandescents », baignant de fait dans une humidité particulièrement nocive.

Après l’incendie, un bilan désastreux


Les archives devaient absolument être extraites des bâtiments endommagés par le feu. Elles furent entreposées temporairement dans des locaux divers, tels que l’ancienne chapelle du Sacré-Coeur, avenue Thiers, pour les archives antérieures à 1789 et les salles du Musée.
Les archives anciennes, par miracle, étaient conservées dans les deux salles blindées. La présence d’esprit de M. Larregain, archiviste départemental, permit d’en sauver la majeure partie car il concentra les efforts des pompiers sur ces salles. Cependant la violence du feu n’épargna pas les archives de la période révolutionnaires et de la période moderne qui furent réduites en cendre.


Des pertes irréversibles


« Le sauvetage des séries A et B (…) s’effectua à l’aide d’échelles sur lesquelles les soldats du 18e firent la chaîne pour se passer les cartons de main en main ». L’archiviste départemental assura dans son rapport fait au Conseil général que la série A était intacte. La série B fut beaucoup plus touchée.
Le Trésor de Pau fut également sauvé.
Les séries D, E et G ont aussi bien survécu. Parmi les liasses réunissant les minutes des notaires, seules celles de Jurançon ont été perdues.
Les archives communales ont beaucoup souffert de l’eau ou de l’humidité.
C’est donc finalement les archives d’après 1789 qui ont été détruites. La période révolutionnaire est quasi inexistante. La série R, à l’exception des registres matricules détruite dans sa plus grande partie sans parler du désastre subi par les archives de la Préfecture.
La bibliothèque, qui se trouvait dans la salle publique des archives « est dans un état voisin de la ruine ».

Les sauveteurs


La préfecture a dressé la liste des personnes qui ont contribué d’une façon ou d’une autre au sauvetage des précieux documents. Par leurs efforts, ils ont permis la conservation de papiers précieux et fragiles et il faut se reporter en une période où les techniques n’étaient pas celles d’aujourd’hui.
Ces « sauveteurs » des archives ont bien souvent été récompensés d’une manière ou d’une autre car leur dévouement pour sauver et conserver ce patrimoine historique a été salué par tous.

M. DUFAU de MALUQUER
Ancien président du Tribunal civil. Il a travaillé à la réorganisation des archives immédiatement après l’incendie et a surveillé le séchage des documents mouillés dans les étuves de la Blanchisserie Moderne.

MM. DUPIS et MENJOU
Propriétaires de la Blanchisserie Moderne à Bizanos, ils ont mis à disposition de l’archiviste départemental une étuve et un séchoir, pendant plus d’un mois et ce à titre gracieux. L’équivalent de quatre camions chargés d’archives furent acheminés dans cette blanchisserie et leur contenu asséché.

M. Paul LAFOND
Conservateur à Pau. Il a cherché des locaux pour entreposer les archives, aidé au déblaiement de la bibliothèque et a entreposé, à son domicile de nombreux livres et manuscrits, les séchant quand cela s’avérait nécessaire.

M. de NAVAILLES
Editeur d’art à Bizanos, il a assuré la restauration de plusieurs précieux documents.

M. VAN DER BRULE
Capitaine au 18ème régiment d’Infanterie a consacré tout son temps libre à la réorganisation des archives après l’incendie.

M. LASSENCE
Maire de Pau, il a permis d’entreposer les archives dans la chapelle de l’ancien couvent du Sacré-Coeur.

M. NANCY
Ancien percepteur, à la retraite, il a surveillé le déménagement des archives pendant l’incendie et a aidé à leur réorganisation.

M. MAUSSIER-DAUDELOT
Inspecteur à l’Enregistrement, il à contribué à sauver les ouvrages de la bibliothèque.

M. Charles HEÏD
Industriel, demeurant à Pau, M. Heïd a surveillé le déménagement des archives pendant l’incendie.

M. Le Colonel JACQUIN
Commandant le 18ème régiment d’Infanterie. Le service d’incendie à été en partie assuré par son régiment « dont la conduite à été admirable ». Puis il a formé une équipe composée de six hommes qui ont travaillé à l’installation des archives au Sacré-Coeur.
Le Général BONNET, commandant la 72ème Brigade d’Infanterie et les subdivisions de Pau et de Tarbes, informe le Préfet par courrier qu’il mettait deux hommes à la disposition de l’archiviste départemental durant un mois.
Le Conseil Général a gratifié le régiment commandé par le colonel Jacquin d’une somme de 300 francs. Remerciant chaleureusement le Préfet dans une lettre du 3 janvier 1909, il explique que cet argent servira à acheter du vin « qui sera distribué au mess des sous-officiers et aux ordinaires des caporaux et soldats, à raison d’une ration par homme et par jour, jusqu’à épuisement de la quantité qu’on se sera procurée ».

M. LARREGAIN
Architecte départemental. Il a fait « preuve » d’un grand sang-froid en organisant les premiers secours et a contribué à sauver les deux salles blindées qui abritait les archives.

MM. LORBER, archiviste départemental et CASENAVE, commis des archives
Ont montré un « dévouement et une activité inlassable pour le déménagement et la conservation des archives ».

La presse


La presse n’a pas manqué de fustiger les autorités compétentes sur la vetusté et l’agencement déplorable du service des archives. Pour le Mémorial des Pyrénées, « ce malheur irréparable était à redouter ». « La perte est irréparable ». Insistant sur la préciosité des documents, en particulier sur ceux relatifs à Jeanne d’Albret et Henri IV, le Mémorial souligne que l’Etat en « spoliant » les archives des abbayes, des chapitres, des anciennes juridictions et des anciennes familles, s’imposait par là même « des devoirs de conservation » et de conclure « Nous espérons que le désastre qui vient de se produire provoquera une sérieuse enquête et servira de leçon ».


Quelques bémols


Si le dévouement des personnes qui se sont impliquées dans le sauvetage des archives est sans conteste bien fondé et généreux, d’autres ont manifesté leur mécontentement dans l’organisation et la gestion de « l’après incendie ». Le lieutenant MOUTON du 18ème régiment d’Infanterie avait initialement été affecté par le Colonel JACQUIN, sur ordre du Général, au classement des archives. Au lieu de cela, il s’est retrouvé confiné à « une besogne purement matérielle et qui consiste à intercaler des feuilles de papier buvard entre les pages mouillées des différents volumes ».
Le lieutenant MOUTON dans un courrier adressé au Colonel n’hésite pas à dénoncer cet emploi comme inapproprié eut égard à son grade, lequel emploi pouvait fort bien être exécuté par les hommes de troupe ou un caporal : « il est nécessaire que ces hommes soient au moins d’une intelligence moyenne ».
Le lieutenant fut aussitôt autorisé à ne pas retourner au Sacré-Coeur.

memorial pyrenees 1908
Le Mémorial des Pyrénées du 27 novembre 1908
CG64, SDA, 1 M 235

Des leçons tirées


Face à un tel désastre, des conclusions jaillirent, des évidences prirent forme, des résolutions furent prises. L’archiviste préconisait dans son rapport que le bâtiment abritant les services d’archives devait être isolé « de toute part » et construit en « matériaux incombustibles.
Il demandera également un budget pour acheter des cartons, contenants sûrs pour la protection des documents contre la poussière, l’humidité et les moisissures. Ces cartons, sont non seulement efficaces contre le feu mais ils facilitent le transport de leur délicat contenu.

Conclusion

pau ad plaque
Plaque posée pour l’inauguration des Archives départementales



Toutefois, il a fallu attendre 60 ans avant que les archives ne trouvent un écrin à leur mesure !
Après une étape au Parlement de Navarre, ce n’est qu’en 1968 que le projet développé par André Remondet, architecte et Fernand Noutary, architecte départemental fut adopté et que la construction d’un bâtiment entièrement dédié à la conservation des archives fut enfin entreprise. En 1971, les locaux des archives départementales de Pau tels que nous les connaissons aujourd’hui étaient nées.

De tels sinistres peuvent encore se déclarer mais les précautions sont prises et quand l’imprévisible se produit, les solutions pour traiter les documents abîmés bénéficient de technologies de plus en plus avancées.


Sources

  • Fonds de la Préfecture, Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, 1 M 235
  • Rapports et délibérations du Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques, BNF, Gallica

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